2e WEEK-END

Vendredi 30 septembre • 20h  ~  Église N.D. de l’Assomption de Bergheim

Heinrich Schütz

Musikalische Exequien & musiques d’hommage, de déploration et de funérailles

Ensemble Voces Suaves & Johannes Strobl

Christina Boner, Cornelia Fahrion, sopranos
Lisa Lüthi, Jan Thomer, altos
Dan Dunkelblum, Richard Resch, tenors
Jan Kuhar, Tobias Wicky, basses
Matthias Müller, violone
Orí Harmelin, théorbe
Johannes Strobl, orgue et direction

Programme :

Andreas Gleich (1622-1693) : Selig sind die Toten
pour Johann Stockelmann, † 6. März 1651 – extr. de Verba Salvatoris consolatoria, Leipzig 1651

Johann Georg Ebeling (1637-1676) : Ein Tag in deinen Vorhöfen
pour Marie Anne von Löben, † 15. Dezember 1664 – extr. de Letzter Theil des 84. Psalms, Berlin 1666

Johann Hermann Schein (1586-1630) : Ich will schweige
pour Dorothea Maria, Duchesse de Saxe † 18. Juli 1617 – Threnus a 6 voci, Jena 1617

Samuel Scheidt (1587-1654) : Aus tiefer Not schrei ich zu Dir pour orgue
extr. de Tabulatur=Buch hundert geistlicher Lieder und Psalmen, Görlitz 1650

Heinrich Schütz (1585-1672) : Aus tiefer Not schrei ich zu Dir, SWV 235
extr. de Psalmen Davids, hiebevorn in teutzsche Reime gebracht durch D. Cornelium Beckern, Freiberg 1628

Samuel Scheidt : Erbarm dich mein, o Herre Gott pour orgue
extr. de Tabulatur=Buch hundert geistlicher Lieder und Psalmen, Görlitz 1650

Johann Hermann Schein : Erbarm dich mein, o Herre Gott
extr. de Opella nova, Leipzig 1618

Samuel Scheidt : Aus tiefer Not schrei ich zu Dir pour orgue
extr. de Tabulatur=Buch hundert geistlicher Lieder und Psalmen, Görlitz 1650

Samuel Scheidt : Aus tiefer Not schrei ich zu Dir
extr. de Geistlicher Concerten vierter Theil, Leipzig 1640

Heinrich Schütz : Musicalische Exequien
pour Heinrich Posthumus Reuß, † 3. Dezember 1635, Dresden 1636
I. Concert in Form einer teutschen Begräbnis-Missa / Nacket bin ich von Mutterleibe kommen – Also hat Gott die Welt geliebt
II. Motette / Herr, wenn ich nur dich habe
III. Canticum B. Simeonis / Herr, nun lässest du deinen Diener in Friede fahren – Selig sind die Toten

Vidéo Musikalische Exequien :

Musikalische Exequien

En 1636, Heinrich Schütz fit imprimer à Dresde, sous forme d’opus 7, les Musicalische Exequien qu’il avait composées pour les funérailles d’Henri II Posthumus Reuß à Gera. Le prince avait personnellement sélectionné des versets bibliques et des lignes de cantiques sur le thème de la mort et de la résurrection et les avait fait écrire sur son sarcophage. Schütz en a tiré un « Concert sous la forme d’une messe de funérailles allemande, inspirée de la messe Kyrie-Gloria de la liturgie luthérienne. Le motet à deux chœurs qui suit, « Herr, wenn ich nur dich habe » (Seigneur, si je n’ai que toi), met en musique les paroles bibliques du sermon de la cérémonie funèbre. Après le chant de louange de Siméon « Seigneur, maintenant tu peux laisser ton serviteur partir en paix », le cercueil fut mis en terre.

Outre cette musique funèbre, sans doute la plus célèbre du XVIIe siècle, de nombreuses autres compositions nous sont parvenues, commandées à l’occasion du décès de certaines personnes et exécutées lors de leurs funérailles. La sélection faite pour le présent programme ne tient compte que des œuvres pour ensemble vocal et basse continue et renonce aux instruments accompagnant ou doublant les voix, afin de laisser le plus de place possible à une interprétation vocale différenciée de ces textes impressionnants et émouvants.

Johannes Strobl

Zoom

Musikalische Exequien & musiques dhommage
de déploration et de funérailles

Par Jean-Christophe Pucek – Publié le 6 octobre 2022 (lire la critique ici)

« Partition aujourdhui la plus célèbre de celui qui fut surnommé le Sagittarius, les Musicalische Exequien immortalisent la rencontre entre deux esprits pétris dhumanisme et de piété : le compositeur et son commanditaire, le prince Heinrich Posthumus von Reuss qui avait choisi lui-même les textes sacrés destinés à être peints sur son cercueil et mis en musique. Cette « messe de funérailles allemande », pour reprendre le titre de la première de ses trois parties, opère une synthèse époustouflante entre la tradition polyphonique héritée de la Renaissance et les innovations italiennes apprises lors des deux séjours du musicien dans la Péninsule.

Chemins de ferveur

« À côté des « trois S » (Schütz, Schein, Scheidt), la formation fait aussi place à quelques méconnus dans un un parcours funèbre dont lespérance nest jamais absente. Dès Selig sind die Toten dAndreas Gleich, aux airs de berceuse, les chanteurs réussissent à exprimer la dimension réconfortante de la foi ; ils se montrent aussi à laise face aux chromatismes grâce auxquels Schein dramatise sa supplique Ich will schweigen ou dans limploration ardente dAus tiefer Not de Scheidt. Johannes Strobl ponctue pour sa part, de courtes pièces dorgue, le chemin vers les Exequien, tirant le meilleur dun positif limité par nature.

Apothéose, lOpus 7 de Schütz démontre combien Voces Suaves a gagné en maturité, en plénitude. Très équilibrés, soutenus par un continuo actif sans surenchère, les quatre pupitres (deux voix par partie), dune grande lisibilité, se répondent avec engagement et précision instaurant une dynamique concentrée à lavancée irrésistible. Après un Motetirradié de ferveur, le Cantique de Siméon se pare de couleurs irréelles, grâce à des effets de spatialisation parfaitement maîtrisés, rendant palpable, avec une émotion poignante, la scission mais aussi le dialogue entre ici-bas et au-delà ».

Vendredi 30 septembre • 11h

Visite à l’école

L’ensemble Voces Suaves vient montrer, à propos de madrigaux de Schütz, comment s’élabore le métier de chanteur, comment fonctionne une polyphonie, un madrigal, et répond aux questions…

Samedi 1er octobre • 14h30 / 16h

Répétition ouverte

Salle du Théatre, Rue des Juifs à Ribeauvillé.

Samedi 1er octobre • 18h30  ~  Domaine Bott Frères à Ribeauvillé

Concert dégustation

Autour des Madrigaux de Heinrich Schütz : le madrigal est à la musique ce qu’est un verre de dégustation au vin : une petite chose rare et précieuse, qui se savoure plus qu’elle ne se consomme. Les artistes de Voces Suaves, un ensemble qui porte bien son nom – on se délecte de son chant, de son approche, de ses interprétations si parfaites – offriront à des personnes privilégiées (mais il suffit de venir pour l’être aussi) quelques pièces d’une musique rare, décantée, chantant souvent l’amour, et parfois le vin. Ils échangeront avec le public autour de la musique, de la pratique de leur art, et aussi d’un verre de dégustation.

Entrée et dégustation gratuites, un plateau sera proposé. 

Madrigal comme on en entendra lors du Concert dégustation à la Cave Bott :

Zoom

Sensibilisation

Après une séance matinale d’initiation, à l’école primaire Rothenberg, à ce qu’est le chant, le traitement de la voix d’un chanteur, l’apprentissage d’une chanson polyphonique (voir les photos), les chanteurs de Voces Suaves répétaient l’après-midi du vendredi 30 septembre à l’église de Bergheim pour leur concert des Musikalische Exequien de Heinrich Schütz. Le Festival marquait ainsi, pour la deuxième fois dans cette édition, le désir de rayonner sur « le Pays de Ribeauvillé ».

> Voir sur le site de l’école

Répétition ouverte

Ce même samedi 1er octobre, le public était convié à assister à une répétition publique des Symphonies Sacrées qui s’élaboraient pour le concert du lendemain, où devaient s’associer Voces Suaves et Le Parlement de Musique, tous sous la direction de Martin Gester. Là aussi, on n’a cessé d’ajouter des chaises…

Concert dégustation

« On retrouvait lensemble Voces Suaves autour de plaisirs plus terrestres le lendemain dans le cadre original dune cave – la cave Bott – où se mêlaient vins et madrigaux ».

Dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, on a pu lire : « Samedi 1er octobre, le caveau aux très anciens fûts de chêne du Domaine Bott a servi de décor, les chanteurs de l’ensemble bâlois Voces Suaves se chargeant du plaisir auditif avec, en guise d’intermède, un crémant « cuvée Nicole » élaboré à base de pinot blanc et de pinot gris, ainsi qu’un muscat 2021 extrêmement fruité et dont l’étiquette a été dessinée par Marc Haeberlin… »

On a entendu quelques madrigaux profanes de H. Schütz, une musique vocale sophistiquée en italien alternant avec de la chanson plus populaire en allemand, interrompue d’une importante passacaille pour théorbe de l’excellent luthiste de l’ensemble OrHarmelin.

Dimanche 2 octobre • 17h  ~  Église du Couvent de Ribeauvillé

Heinrich Schütz

Motets de faste et de louange
Symphoniæ Sacræ II (1647) et III (1650-51)

Ensemble Voces Suaves

Christina Boner, Cornelia Fahrion, sopranos
Lisa Lüthi, Jan Thomer, altos
Dan Dunkelblum, Richard Resch, tenors
Jan Kuhar, Tobias Wicky, basses

Le Parlement de Musique
dir. Martin Gester

Matthieu Camilleri, Clara Mühlethaler, violons
Clément Gester, Martin Bolterauer, cornets et flûtes à bec
Daniel Serafini, Philip Boyle, trombones
Nelly Sturm, basson
Shuko Sugama, violone
Francis Jacob, orgue
Ryosuke Sakamoto, théorbe

Programme :

III, 10Lasset uns doch den Herren, unsern Gott, loben, SWV 407
[SSTB, SATB, 2 violons, 4 instruments SATB, continuo]

III, 6Siehe, es erschien der Engel des Herren, SWV 403
[STTB, SATB, 2 violons, instruments, continuo]

II, 4Meine Seele erhebt den Herren, SWV 344 [SS & tous instruments]

III, 4Mein Sohn, warum hast du uns das getan, SWV 401
[SAB, SATB, 2 violons, 4 instruments SATB, continuo]

III, 15Siehe, wie fein und lieblich ist, SWV 412
[SSATB, 2 violons, 2 instruments AT, basson, continuo]

PAUSE

III, 3Wo der Herr nicht das Haus bauet, SWV 400
[SSB, SATB, 2 violons, 4 instruments SATB, continuo]

II, 16Es steh Gott auf, SWV 356 [TT, continuo]

III, 5O Herr hilf, SWV 402 [SST, 2 violons, continuo]

III, 14Vater unser, der du bist im Himmel, SWV 411
[SATTB, SATB, 2 violons, 4 instruments SATB, continuo]

III, 9O Jesu süss, wer dein gedenkt, SWV 406 [SSTT, 2 violons, continuo]

II, 26  Von Gott will ich nicht lassen, SWV 366 [SSB, 2 violons/ cornets, continuo]

III, 21Nun danket alle Gott, SWV 418
[SSATTB, SATB, 2 violons/cornets, 4 instruments SATB, continuo] 

Symphoniæ Sacræ

II (1647) et III (1650-51)

C’est en 1650 qu’un Heinrich Schütz âgé de 65 ans fit paraître le troisième livre de ses Symphonies Sacrées, trois ans après la parution du deuxième livre. Le titre original : 

Symphoniæ Sacræ. Tertia Pars. Opus duodecimum.
Worinnen zu finden sind / Deutsche Concerten mit 5, 6, 7, 8 obligaten Stimmen, nämlich dreyen, vieren, fünffen, sechs Vocal= und zweyen Instrumental=Stimmen / Als Violinen oder dergleichen Gambe etlichen Complementen… und Bassi Continui…

Le terme de Symphoniæ Sacræ inscrit ces œuvres en référence à Giovanni Gabrieli, le premier grand maître vénitien et initiateur du style concertant et polychoral qui allait s’épanouir sur l’ensemble du continent. Un premier recueil de Symphonies Sacrées paraît en 1629 à Venise sur des textes latins, sous l’influence directe des maîtres italiens. De retour à Dresde, sous l’emprise de Claudio Monteverdi, dans les recueils de Symphonies Sacrées II et III, Schütz intensifie le rapport du texte et de la musique, les œuvres tendant à être une véritable prédication en musique : la langue est l’allemand, les figures, ornementations et textures polyphoniques sont toujours mises au service de la claire élocution, de la projection du sens et de l’affect de la parole. Les voix gagnent en indépendance, en expressivité, et les instruments s‘émancipent dans un commentaire parfois virtuose, jamais gratuit. Meine Seele erhebet den Herren (le Magnificat en allemand) en est un parfait exemple. Plus encore, Es stehe Gott auf est une belle application de la leçon monteverdienne, en même temps qu’un hommage à l’immense inspirateur : Schütz met en perspective et récrit sur un nouveau texte deux madrigaux de Monteverdi : le premier dans un style de bataille avec du « stile concitato » (l’imitation de l’action guerrière par l’écriture en manière de trompettes, les tremblements vocaux et instrumentaux et le « bruit » instrumental) pour l’épisode « Es stehe Gott auf und seine Feinde werden zerstreuet werden » ; le deuxième, Zefiro torna, à l’origine célébration du printemps retrouvé, ici évoquant la joie des justes (« Aber die Glaübigen sollen sich freuen »), joyeuse musique sur une basse obstinée en mouvement de chacone. 

Le troisième livre des Symphonies sacrées poursuit l’évolution vers de véritables scènes sacrées (telles l’Annonciation dans Siehe es erschien der Engel des Herren et l’enseignement de Jésus au Temple dans Mein Sohn, warum hast du uns das getan ?), une prédication au contenu didactique ou d’édification, tel l’impressionnant Saül, warum verfolgst du mich ?. Les textes sont issus de psaumes, de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament ; également des textes de méditation et un chant liturgique (Komm Heiliger Geist).

Les effectifs s’étendent, les contrastes d’écriture se généralisent entre l’écriture solistique et une impressionnante et souple polychoralité – des chœurs vocaux/instrumentaux « complémentaires » s’ajoutent et s’empilent « ad libitum ». 

Par la force expressive qui s’y déploie et la synthèse des techniques de composition et d’interprétation de l’époque, on peut dire que ces Concerts ou Scènes sacrées ont posé les bases de tout le répertoire germanique du siècle qui a suivi. 

Zoom

Suite de la critique de Jean-Christophe Pucek, de la revue Diapason

Action de grâce

« Dimanche, retour au domaine sacré en l’église du Couvent, comble, pour un florilège de motets cueillis par deux ensembles réunis – Voces Suaves et Le Parlement de Musique – dans les deuxième et troisième recueils des Symphoniae sacrae (1647 et 1650). Lextatique Meine Seele erhebt den Herren (SWV 344), habité avec conviction par la soprano Cornelia Fahrion, témoigne des capacités de Schütz à couler linspiration sacrée (texte du Magnificat) dans le moule aux séductions profanes de lair à voix seule, tandis que Es steh Gott auf (SWV 356) illustre lassimilation parfaite du stile concitato monteverdien. Les ténors Dan Dunkelblum et Jakob Pilgram, arrivé la veille pour remplacer au pied levé un collègue souffrant, y conjuguent vaillance dans la première partie et douceur dans la seconde, sur une basse de chaconne, avec le soutien dun Parlement de Musique haut en couleurs, mené par larchet sensuel de Matthieu Camilleri et la direction souple de Martin Gester ».

« En fin connaisseur des répertoires italien et germanique, le chef obtient le meilleur de ses troupes dans les pièces les plus chamarrées, telle Lasset uns doch den Herren, unsern Gott, loben (SWV 407), ou narratives – dans Mein Sohn, warum hast du uns das getan (SWV 401), linquiétude affolée de Marie et Joseph devant la disparition de leur fils est rendue de façon magistrale. La diction parfaite de Voces Suaves, la capacité de tous les musiciens à assembler leurs énergies au service de ces musiques trop peu souvent entendues font relativiser quelques soucis minimes de mise en place ou dintonations hasardeuses. Lenthousiasme qui soulève Nun danket alle Gott (SWV 418) laisse éclater la reconnaissance de tous pour les moments vécus au cœur dun festival retrouvé ».

Pour ce concert, on a été tout près de refuser du monde…

C’est très encourageant pour la suite.