Passions | Danse (création)

Le Portrait de l’Amour I Stabat Mater en miroirs

François Couperin & Alessandro Scarlatti

Samedi 24 juin 2023 
Église protestante de Ribeauvillé

Le Parlement de Musique

Julie Goussot, soprano 
Anaïs Yvoz, mezzo-soprano
Stéphanie Pfister & Clotilde Sors, violons
Teodoro Baù, viole 
Shuko Sugama, violone
Martin Gester, clavecin, orgue & direction

La Compagnie de danse Hélioskine

Pierre-François Dollé, danseur et chorégraphe
Marie-Nathalie Lacoursière, danseuse

Programme :

François Couperin : Suite La Françoise extraite du recueil Les Nations : Allemande – Courante – Sarabande – Gigue – Passacaille – Gavotte

François Couperin : Sonate La Superbe

François Couperin : Les Folies Françaises ou les Dominos, suite de variations sur les caractères de l’Amour

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Alessandro Scarlatti : Stabat Mater dolorosa (Naples 1724) pour soprano, alto, 2 violons & basse continu

Alessandro Scarlatti : Stabat Mater dolorosa (Naples 1724)

Stabat Mater dolorosa
iuxta crucem lacrimosa,
dum pendebat Filius.

Cuius animam gementem,
contristatam et dolentem
pertransivit gladius.

O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta,
mater Unigeniti!

Quae maerebat et dolebat,
pia Mater, dum videbat
nati paenas inclyti.

Quis est homo qui non fleret,
matrem Christi si videret
in tanto supplicio?

Quis non posset contristari
Christi Matrem contemplari
dolentem cum Filio?

Pro peccatis suae gentis
vidit Iesum in tormentis,
et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natum
morientem desolatum,
dum emisit spiritum.

Eia, Mater, fons amoris
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam.

Sancta Mater, istud agas,
crucifixi fige plagas
cordi meo valide.

Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum
ut sibi complaceam.

Tui nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
paenas mecum divide.

Fac me vere tecum flere,
crucifixo condolere,
donec ego vixero.

Iuxta Crucem tecum stare,
Ac me tibi sociare,
in planctu desiderio.

Virgo virginum praeclara,
mihi iam non sis amara,
fac me tecum plangere.

Fac ut portem Christi mortem,
passionis fac me sortem,
et plagas recolere.

Fac me plagis vulnerari,
cruce hac inebriari,
et cruore Filii.

Inflammatus et accensus,
per te, Virgo, sim defensus
in die iudicii.

Fac me cruce custodiri,
morte Christi premuniri,
confoveri gratia.

Quando corpus morietur,
fac ut animae donetur
paradisi gloria.

Amen

Debout, la Mère des douleurs,
près de la croix était en larmes,
quand Son Fils pendait au bois.

Dans son âme qui gémissait,
toute brisée et endolorie,
le glaive la transperça.

Qu’elle était triste et affligée,
la Femme entre toutes bénie,
la Mère du Fils Unique !

Dans le chagrin qui la poignait,
cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.

Quel est celui qui sans pleurer
pourrait voir la Mère du Christ
dans un supplice pareil ?

Qui pourrait sans souffrir
contempler la Mère du Christ
souffrant avec son Fils ?

Pour les péchés de tout son peuple,
elle vit Jésus dans ses tourments,
subissant les coups de fouet.

Elle vit son enfant très cher
mourir dans la désolation
alors qu’Il rendait l’esprit.

Daigne, ô Mère, source d’amour,
me faire éprouver tes souffrances
pour que je pleure avec toi.

O Sainte Mère, daigne donc
graver les plaies du Crucifié
profondément dans mon cœur.

Fais qu’en mon cœur brûle un grand feu
pour mieux aimer le Christ mon Dieu
et que je puisse lui plaire.

Ton enfant qui n’est que blessures,
lui qui daigna souffrir pour moi ;
donne-moi part à ses peines.

Que je pleure sincérement avec toi,
qu’avec le Christ en croix je souffre,
chacun des jours de ma vie !

Etre avec toi près de la croix
et ne faire qu’un avec toi,
c’est le vœu de ma douleur.

Vierge bénie entre les vierges,
pour moi ne sois pas trop sévère
et fais que je souffre avec toi.

Que je porte la mort du Christ,
qu’à sa passion je sois uni,
que je médite ses plaies !

Que de ses plaies je sois blessé,
que je m’enivre de la croix
et du sang de ton fils !

Pour ne pas brûler dans les flammes,
prends ma défense, Vierge Marie,
au grand jour du jugement.

Que je sois protégé par la croix
prémuni par la mort de Christ,
réconforté par sa grâce.

À l’heure où mon corps va mourir,
fais qu’à mon âme soit donnée
la gloire du paradis.

Amen

Passions | Danse est un spectacle qui met en regard deux chefs-d’œuvre du répertoire baroque aux significations musicales délibérément opposées, mais réunies dans une volonté moderne de créer des effets de miroirs déformants propres à renouveler le regard. 

Dans Le Portrait de l’Amour, au centre duquel se trouvent Les Folies Françaises, Variations sur le thème de l’Amour (« folies »  étant à comprendre comme « variations », par référence aux Folies d’Espagne, un genre de pièce sur un rythme de chacone comportant de nombreuses variations et très à la mode depuis la Renaissance), François Couperin se livre à un exercice de style autour des passions humaines personnifiées par les diverses variations dans lesquelles le chorégraphe peut laisser libre cours à un imaginaire narratif et fantasque, mettant en scène des « affects », des « humeurs », des travers et des archétypes humains, et puisant dans la diversité des styles théâtraux, de la croustillante Commedia dell’Arte à l’élégance du style des salons Louis-quatorzièmes.

Radicalement opposée est l’atmosphère du Stabat Mater, œuvre tardive du compositeur (1724) et éminemment baroque – au sens d’étrange, surprenant – du compositeur napolitain Alessandro Scarlatti (1660-1725). C’est l’œuvre même qui servit d’inspiration à son disciple Pergolèse qui composa le sien à la demande des mêmes Cavalieri della Vergine dei Dolori (Chevaliers de la Vierge des Douleurs), une confrérie napolitaine qui, chaque année pendant le Carême, célébrait Notre-Dame des Douleurs. Pure expression de la douleur d’une mère, ce Stabat Mater présente une palette de styles, de caractères, d’atmosphères très contrastés, souvent étranges ou surprenants. Nullement conçue a priori pour la danse, bien qu’en l’évoquant régulièrement, l’œuvre donne d’autant plus au chorégraphe Pierre François Dollé la liberté de sonder la diversité des passions humaines en s’inspirant à la fois des arts visuels baroques et de langages délibérément modernes.

Pierre-François Dollé, chorégraphe, danseur, pédagogue, chercheur en danse

Après une formation pluridisciplinaire à la Musikhochschule de Cologne, il intègre des compagnies en Allemagne et en Angleterre, dans lesquelles il danse des grands ballets du répertoire classique, des créations contemporaines et des comédies musicales. De retour en France, il danse dans de nombreuses productions de l’Opéra de Paris (Les Indes Galantes, Les Boréades, Les Noces de Figaro, Russalka, etc…) 

Après l’obtention du Diplôme d’Etat de professeur de danse, il découvre les danses anciennes et se passionne immédiatement pour ces matériaux chorégraphiques originaux, notamment pour la danse baroque dont le vocabulaire diversifié, la théâtralité et le rapport à la musique ouvrent des perspectives vers la création contemporaine. 

Il fonde la compagnie HéliosKiné, au sein de laquelle il poursuit son travail de chorégraphe, et est invité à chorégraphier pour des festivals, pour des opéras ou des pièces de théâtre. Il vient de co-signer la chorégraphie de Circé d’Henry Desmarêt à Boston (EU), et va prochainement créer les divertissements dansés dans les Boréades de Jean-Philippe Rameau à Tokyo. 

Marie-Nathalie Lacoursière, metteure en scène, chorégraphe et danseuse

Marie-Nathalie fonde en 2008 sa compagnie de danse, Les Jardins Chorégraphiques, à Montréal.  Elle a mis en scène et chorégraphié plus d’une trentaine d’opéras de l’époque baroque ou contemporaine au Canada et à l’étranger. Elle a été directrice associée du Toronto Masque Theater durant 15 ans. Elle a également mis en scène plusieurs opéras en 1ère mondiale, qu’il s’agisse de Nicandro e Fileno de Lorenzani, Le Ballet de l’Impatience de Lully, The man Who Married Himself de Juliet Palmer et Europa de James Rolf. Elle collabore régulièrement avec le chef Luc Beauséjour dans sa série Clavecin en Concert. Leur production de Venus and Adonis de Blow leur ont valu le Prix Opus du Concert de l’Année en 2019. 

Elle est l’une des partenaires privilégiées de l’atelier d’opéra de l’Université de Montréal et de l’atelier lyrique de l’Opéra de Montréal où elle a travaillé avec le cinéaste Denys Arcand pour la présentation de l’opéra Zémir et Azor de Grétry.  Depuis plus de 25 ans qu’elle sillonne la planète, Marie-Nathalie a été invitée à plusieurs festivals internationaux : Boston Early music festival (USA), Lanvellec et Saint-Riquier (France), Musicale Estense (Italie), FestiVita (Belgique), Festival of Ideas (Edmonton), Festival de musique de chambre de la Nouvelle-Zélande, le Early Music Vancouver (Canada)…

Julie Goussot, soprano

Julie Goussot étudie au CNSMD de Lyon dans la classe de Brian Parsons, puis de Mireille Delunsch. Elle se perfectionne à la Hochschule für Musik und Theater München dans la classe d’Andreas Schmidt. En 2019, elle intègre la troupe d’Opera Fuoco, dirigé par David Stern et l’Opéra Studio du Rhin, dirigé par Vincent Monteil. En août 2020, elle est lauréate du Concours International Cesti d’Innsbruck, et retourne dans cette ville pour le Barockoper:Jung 2021. Elle est récemment récompensée du Premier Prix Opéra, le Premier Prix Mélodie et le Prix du Public au concours Nuits Lyriques de Marmande 2021. Avec le pianiste Rodolphe Lospied, ils se produisent en duo de musique de chambre sous le nom de Duo Symbiose et ont été primés du Grand Prix au concours Mélodie de Toulouse en octobre 2021.

Anaïs Yvoz, mezzo-soprano

Diplômée d’une licence de musicologie et d’un master d’interprétation en chant lyrique de la Haute école de Musique de Lausanne, Anaïs Yvoz se forme à la musique ancienne en participant à des projets au sein du Centre de Musique Ancienne de Genève sous la direction de Gabriel Garrido et Leonardo Garcia Alarcon. 

Elle intègre en 2017 l’Opéra Studio de l’Opéra du  Rhin. Anaïs est lauréate de plusieurs prix et concours internationaux dont la fondation suisse Colette Mosetti, le Concours International Vienne en Voix ou encore le Concours Bellan. Elle collabore régulièrement avec différents orchestres, dont l’ensemble berlinois Le Seuil Musical, l’orchestre français Les Epopées, Le Parlement de Musique, l’orchestre norvégien Orkester Nord ou encore la compagnie allemande Opera Classica Europa.

Martin Gester, direction

Claveciniste, organiste, pianofortiste, Martin Gester est aussi venu à la musique par le chant. Sa passion pour l’art vocal, il l’a illustrée à la tête de son Parlement de Musique dont la quarantaine d’enregistrements illustre le répertoire baroque européen de Victoria à Mozart, tout comme avec son atelier opéra international Génération Baroque. Chef invité, Martin Gester dirige le répertoire de Monteverdi jusqu’à l’orée du XIXe siècle ; ainsi, avec l’orchestre baroque Arte dei Suonatori (Pologne) ou avec Van Diemen’s Band (Australie) les Concerti Grossi de Haendel pour l‘éditeur suédois BIS. Et c’est avec un plaisir particulier et nourri de ses recherches sur le théâtre, l’art lyrique et la danse baroques qu’il revient à ses claviers, seul ou entouré de musiciens choisis. Ainsi dans la Clavier-übung au clavecin et l’œuvre d’orgue de J.S. Bach, la musique de chambre de F. Couperin, Duphly, J. Schobert, C.P.E. Bach, Haydn et Mozart.

Le Parlement de Musique

Le nom est tout un symbole : à la croisée des cultures européennes, l’ensemble Le Parlement de Musique se consacre à la musique baroque et classique selon un fonctionnement souple et inventif, se dédiant aussi bien à la découverte d’œuvres méconnues qu’à la relecture éclairée du répertoire.

Suivant le penchant marqué de son directeur artistique pour le travail avec les chanteurs, l’ensemble s’adonne à l‘interprétation des cantates au salon et des motets jusqu’à l’opéra stylisé de Monteverdi à Mozart. 

Autour de l’organiste-claveciniste-pianofortiste, Martin Gester, Le Parlement de Musique illustre le répertoire de l’orgue entouré des voix et des instruments sur les instruments historiques et en compagnie d’Aline Zylberajch celui de la musique concertante pour claviers de Couperin à Mozart.  

Régulièrement, l’ensemble ose un regard sur la création contemporaine.  Ses choix se portent sur des compositeurs sensibles, d’une manière ou d’une autre, au langage et à la démarche des musiques anciennes : Gualtiero Dazzi, Arvo Pärt, Zad Moultaka et Fabien Cali – et dont la composition contribue à jeter un regard renouvelé sur des œuvres anciennes ou à écrire aujourd’hui pour des instruments anciens.

Une quarantaine d’enregistrements discographiques pour les éditeurs Opus 111, Accord-Universal, Assai, Tempéraments Radio-France et Ambronay, émaillent une carrière riche en révélations et en inventions élogieusement salués par la critique internationale.

Son atelier lyrique Génération Baroque est un lieu de formation, d’expérimentation (souvent autour d’ouvrages inédits), un instrument de détection de talents et une tribune : nombre d’artistes aujourd’hui reconnus y ont trouvé une source de formation et d’inspiration, et un terrain d’envol, rejoignant régulièrement les productions du Parlement de Musique.

Le Parlement de Musique a été fréquemment l’hôte du Festival de Ribeauvillé où il a créé plusieurs programmes et réalisé des enregistrements marquants : S. Capricornus : Theatrum Musicum (OPUS 111) ; Passion selon St Matthieu anonyme (ACCORD), l’un des CD les plus primés de l’histoire ; Vêpres de la Vigile de Noël de G.B. Bassani (ACCORD : Diapason d’Or, Prix de la Fondation Cini / Venise…).